Claudia Bernasconi, Economiste Senior Marchés Emergents de Swiss Life Asset Managers
Après une année 2015 difficile et un début 2016 mouvementé, les économies émergentes se sont nettement redressées au cours de l'année écoulée. Dans ces pays, la situation de fond s’est consolidée : le choc induit par la chute des prix des matières premières est en grande partie digéré. Les tensions politiques dans des pays comme le Brésil et la Russie commencent à s’atténuer et la situation en Chine s'est stabilisée. La question la plus importante après l'élection surprise de Donald Trump sera de savoir si sa présidence va annuler cette reprise.
Un Trump « apprivoisé » n'empêche pas la reprise de la croissance
De nombreuses incertitudes subsistent quant à la future politique de Donald Trump. Nous nous attendons néanmoins à des mesures moins extrêmes que celles annoncées durant la campagne. En effet, Trump a changé de rhétorique depuis son élection. De plus, le principe des checks and balances va « apprivoiser » le futur Président. Un Donald Trump ainsi « apprivoisé » ne devrait alors pas empêcher la reprise de la croissance commencée début 2016 dans les marchés émergents. Cette reprise est pour l'essentielle due à la fin de la récession au Brésil et en Russie. Ces deux grandes économies ont subi de violents chocs : l'effondrement des prix des matières premières ainsi que de graves tensions politiques. Ces chocs s'estompent à présent, laissant place à la croissance des marchés émergents. Pour la croissance de l’ensemble des pays émergents, un Trump « apprivoisé » sera un moindre choc par rapport à l'une des plus sévères récessions au Brésil et en Russie. C'est pourquoi nous estimons que Trump n'empêchera pas cette reprise. Cependant, nous avons toujours anticipé une reprise lente du fait de la persistance de divers problèmes comme la faiblesse des prix des matières premières ou encore plusieurs problèmes structurels et politiques. La présidence Trump entraînera des difficultés supplémentaires.
En quoi la présidence de Trump affecte les pays émergents ?
Dans l'ensemble, la victoire de Donald Trump est une mauvaise nouvelle pour les marchés émergents. Toutefois, l'impact varie fortement d'un pays à l'autre. Il y a quatre axes principaux : premièrement, la vulnérabilité externe est redevenue d’actualité. Comme en 2013, les taux d'intérêt américains sont en hausse et le dollar s'affermit, mettant sous pression les pays ayant un fort déficit de la balance courante et une dette extérieure élevée, comme la Turquie ou l'Afrique du Sud. Deuxièmement, des mesures protectionnistes pèseraient sur les pays ayant de forts liens commerciaux avec les Etats-Unis, comme le Mexique ou la Chine. Troisièmement, la sécurité en Europe de l’Est dépend du rôle des Etats-Unis à l'OTAN. Enfin, les prix des métaux repartent à la hausse, anticipant les projets d'infrastructure américains, ce qui atténue les effets négatifs puisque les exportateurs de cuivre et de minerai de fer en profitent.
Le gouvernement chinois dompte le ralentissement
Le gouvernement chinois a réussi à stabiliser la croissance. Cette stabilisation n'est toutefois pas durable car elle résulte du modèle traditionnel de création de dette, de dépenses d'infrastructures et d’une reprise de l'immobilier. Nous tablons sur un nouveau ralentissement de la croissance en 2017. Le gouvernement cherchera toutefois à dompter ce ralentissement en amont de l'important congrès en automne. L'affermissement du dollar après les élections américaines a fortement mis le yuan sous pression. La banque centrale essaie à nouveau de contrer une trop forte dépréciation. Enfin, nous ne pensons pas que Donald Trump emploiera des mesures drastiques contre la Chine, bien trop importante pour l'économie américaine et mondiale.
Les marchés émergents sont-ils toujours attrayants ?
2016 restera comme la première année après la grande récession où le différentiel de croissance entre pays émergents et pays développés a clairement augmenté en faveur des marchés émergents. Selon le FMI, la différence devrait se creuser continuellement au cours des prochaines années, ce qui rend les marchés émergents intéressants d'un point de vue fondamental. En outre, les pays émergents ont diminué leur vulnérabilité aux taux d'intérêt américains en hausse. De nombreux pays ont réduit leur déficit de la balance courante depuis 2013. Cela accroît leur attractivité, en particulier pour les marchés obligataires, puisque nous ne prévoyons pas de hausse rapide des taux d’intérêt américains. Étant donné que les écarts de crédit se sont nettement rétrécis en décembre 2016 dans certaines régions du monde émergent (par exemple en Asie), un nouveau resserrement reste limité sur ces marchés. En termes relatifs, d’autres régions, comme l’Amérique latine ou l’Europe de l’Est, restent plus attrayantes. Nous prévoyons une volatilité accrue à court terme dans toutes les régions. Comme exposé ci-dessus, les pays émergents connaissent une large dispersion. Une gestion active des investissements serait par conséquent d’autant plus importante, compte tenu de l’environnement actuel.